L’archéologie comme discipline scientifique est institutionnalisée à l’université de Poitiers à la fin du XIXe siècle, tandis qu’il faut attendre la veille de la Seconde Guerre mondiale pour voir s’en détacher l’histoire de l’art. Les questions patrimoniales sont tôt formulées par l’interaction au territoire, ses traces et monuments.
L’hôtel Beaucé à Poitiers, XVIe s

L’ancrage au territoire

C’est à la suite du rétablissement de la personnalité civile des facultés, que la faculté des Lettres de Poitiers créé son premier cours d’« Archéologie régionale » (ancienne et du moyen âge), ouvert en février 1889, financé par la municipalité, attribué au  pasteur Auguste-François Lièvre, ancien président de la Société archéologique et historique de la Charente, et dispensé en alternance avec le cours d’« Histoire du Poitou », donné par Alfred Richard, archiviste de la Vienne.

Ces deux cours sont repris une dizaine d’années plus tard par des professeurs de carrière académique : Prosper Boissonnade, agrégé d’histoire, titulaire d’une thèse sur la géographie historique et la démographie de l’Angoumois, récupère en 1895 le cours d’« Histoire du Poitou », tandis qu’Édouard Audouin, agrégé de grammaire et docteur de la faculté des Lettres de Paris, relance en 1897 le cours d’« Archéologie régionale », dont l’intitulé devient deux ans plus tard celui d’« Antiquités et philologie classique », transformé en 1905 en chaire de « Philologie et Archéologie grecque et romaine ». L’offre s’inscrit désormais dans le format adopté par la majorité des facultés, celui d’« Antiquités grecques et romaines », pris sur le modèle de la première chaire d’archéologie créée en 1876 à l’université de Paris Sorbonne, attribuée à Georges Perrot.

Les historiens perpétuent cependant à cette période les études régionales, croisant histoire locale et celle du patrimoine monumental. Prosper Boissonnade et Jean-Médéric Tourneur-Aumont, alternent leurs travaux entre histoire régionale, géographie historique, histoire économique et histoire générale. Boissonnade qui a obtenu en 1897 sa chaire d’« Histoire du Poitou », financée par la municipalité, fait perdurer cet enseignement pendant vingt-six ans, le faisant évoluer en 1921 pour celui d’« Histoire littéraire du Poitou et des Pays de l’Ouest ».

Bien que l’histoire de l’art antique soit incluse dans l’enseignement de l’archéologie, celui comprenant l’histoire de l’art médiéval, moderne et contemporain, n’apparaît de manière autonome qu’à la fin des années 1920 avec une « charge de conférences » d’histoire de l’art assurée par Gaston Dez, professeur agrégé d’histoire au lycée de Poitiers. Le véritable élan pour l’histoire de l’art est donné par la création en 1939 d’une charge puis d’une « maîtrise de conférences » permanente d’« Histoire générale et régionale de l’art », assurée par René Crozet, agrégé d’histoire et géographie, titulaire d’une thèse sur L’Art roman au Berry, publiée en 1932 dans une collection dirigée par Henri Focillon.

 

L’affirmation de l’histoire de l’art comme discipline

Les enseignements d’histoire de l’art sont renforcés après-guerre par la nomination de Crozet en tant que professeur, puis par la création en 1953, sous l’impulsion de Gaston Berger, directeur de l’Enseignement supérieur, du Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale (CESCM), lequel s’appuyait sur les ressources locales tout en visant des objectifs nationaux et internationaux. Celui-ci structurait l’enseignement et la recherche en histoire de l’art, complétés par la programmation de sessions pluridisciplinaires d’été et par la fondation trois ans plus tard, à Tours, du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (CESR), rattaché à la faculté des Lettres de Poitiers. L’université prolongeait ainsi son offre en région, des études médiévales à celles de la Renaissance.

La période suivante, mieux connue, des années 1960 à 1990, a vu le passage à Poitiers de nombreux enseignants permanents ou chargés de cours : Jean Guillaume, Françoise Bardon, Gérard Nicolini, Piotr Skubiszewski ou Marie-Thérèse Camus, et présente une configuration plus ou moins conforme à celle actuelle dans la périodisation de la discipline de l’antique au contemporain, les enseignements s’inscrivant dans une complémentarité et alternance de l’offre en histoire, archéologie, histoire de l’art, littérature, philosophie, géographie.

 

Un gisement patrimonial

Des plaques de verre conservées au département d’histoire de l’art et archéologie – plus de cinq mille avec leur appareil de projection –, témoignent des enseignements dispensés en histoire, archéologie et histoire de l’art par Audouin, Dez, Crozet…. Présentées par ordre alphabétique d’artistes, par lieu (région, pays, capitales : Paris, Rome…), celles-ci couvrent divers champs et périodes : peinture, sculpture, architecture, de l’antiquité au contemporain, plusieurs terrains : la France, ses provinces dont l’Algérie et le protectorat de la Tunisie (archéologie romaine), l’Italie, la Grèce, l’Allemagne, les Pays Bas, le Portugal… ; elles font désormais partie des collections patrimoniales de l’université et constituent un véritable gisement dont le potentiel a été mis en valeur lors d’ateliers pédagogiques avec les étudiants de master, qui en ont fourni un premier inventaire, investigation qu’il sera possible de prolonger par une mise en valeur, voire une restauration des plaques qui deviendront de nouveaux corpus de travail et objets d’étude sur des monuments et des lieux patrimoniaux, pour certains disparus ou transformés.

Nabila OULEBSIR,
Maître de conférences HDR,
Département d’Histoire de l’art et archéologie, Université de Poitiers

 

 

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