En 1898, consacrant sa thèse de doctorat à la préméditation, l’avocat Henri Legrand notait l’absence d’ouvrages existant en France sur la question et ajoutait que la nécessaire modernisation du Code imposait de réfléchir à la pertinence de cette notion. Cet appel, demeuré sans écho, invite à rouvrir le dossier pour analyser les théories, suivre les pratiques et s’interroger sur les discours qui accompagnent la prise en compte de la préméditation et les enjeux qu’elle mobilise. Car ce qui n’est pas exactement une spécificité française n’est pas non plus une réalité universelle : la Grande-Bretagne et les États-Unis ne tiennent pas compte de la préméditation dans l’évaluation des crimes, tandis que le Pérou et le Mexique, s’ils l’admettent, n’en font pas une circonstance aggravant les pénalités.
Nombreux sont les juristes, les psychologues et les criminologues qui ont insisté sur la nécessité de prendre en compte la durée pour mieux comprendre l’infraction – crime ou délit – et en évaluer précisément la gravité. Dès les années 1930, ces spécialistes distinguent trois étapes : la phase psychologique, la phase préparatoire qui peut être plus ou moins longue et qui correspond à la préméditation, et la troisième et dernière phase, celle de l’exécution. De manière plus pragmatique, des lexicographes considèrent que la préméditation est tout simplement une « décision prise d’avance ».
Or, en posant la question de la préméditation, c’est moins le crime que l’on examine que l’individu et l’énigme du passage à l’acte, suggérant que la prise en compte de la préméditation permettrait de distinguer plusieurs catégories de criminels, les « professionnels » et les « occasionnels ». C’est à ces questions, qui sont d’une actualité toujours criante, que ce livre se propose de répondre en les inscrivant dans le temps long, du XVIe siècle à nos jours, et en multipliant les approches afin de saisir la préméditation entre les discours et les pratiques.
Informations complémentaires
Collection Constellations 2017
Langue Français
ISBN10/2-84287-748-4 ISBN13/9782842877484
Format livre broché 254p Discipline Psychologie, Éducation
Première partie : Circonstances et logiques du passage à l’acte
– Raconter les circonstances du vol La place de la préméditation dans les procès pour vol dans les Vosges (XVIe-XVIIe siècles) (Camille Dagot)
– La préméditation des crimes de monnaie dans l’Espagne des périphéries au XVIIIe siècle (Olivier Caporossi)
– La « perfide embûche » Étude de la circonstance aggravante du guet-apens Puy-de-Dôme, XIXe siècle (Sébastien Soulier)
– La préméditation dans les affaires de vitriol, entre occultation et reconnaissance (1870-1930) (Karine Salomé)
– Patience et combinaisons. La préméditation dans le crime de poison (XIXe siècle-années 1930) (Anne-Emmanuelle Demartini)
Deuxième partie : La préméditation en questions
– Vol d’occasion ou vol calculé ? Réflexion sur la notion de préméditation à travers les affaires de vols qualifiés (Auvergne. 1810-1852) (Lisa Bogani)
– Des professionnels de la préméditation ? Les bandes organisées de malfaiteurs en Poitou au XVIIIe siècle (Fabrice Vigier)
– La Criminologie, des sciences sociales et des sciences humaines face à la préméditation (années 1830-années 1910) (Jean-Jacques Yvorel)
– La préméditation dans la mafia sicilienne (François Brizay)
Troisième partie : Discours judiciaires : écrire, penser et gérer
– La préméditation est-elle irrémissible ? Le crime prémédité dans les lettres de rémission des ducs de Lorraine (XVIe – début XVIIe siècle) (Emmanuel Gérardin)
– Les fonctions juridiques de la préméditation Archéologie d’une hybridation normative (Pascal Texier)
– Poison et préméditation à l’aube des Lumières : l’empoisonnement criminel dans la pensée juridique italienne (XIVe-XVIIe siècle) (Margaux Buyck)
– Apprécier la préméditation. Quelques remarques sur la pratique judiciaire française au XIXe siècle (Jean-Claude Farcy)
– Conclusion : La préméditation entre archaïsme et reconfiguration à l’ère actuarielle (Victor Fontaine)