Thèse de doctorat en Archéologie antique présentée par Guillaume Saint-Didier, sous la direction de Nadine Dieudonné-Glad (HeRMA).

• Date de la soutenance : 28 novembre 2013

 

 

Présentation du thème de recherche

L’objectif était d’étudier la métallurgie du fer selon le mode direct de réduction (avant l’utilisation du haut-fourneau) dans une région jusqu’ici non étudiée. Le Poitou avait, en effet, fait l’objet de campagnes de prospections aériennes dans les années 1980-1990 qui avaient mis en évidence l’existence de plus de 600 sites de réduction (ferriers) dans la moitié méridionale du département de la Vienne. Ces sites n’étaient que localisés et n’avaient jamais été étudiés de manière approfondie. Pour le reste du territoire, aucune étude relative à la métallurgie du fer n’avait jamais été engagée et les sites recensés étaient rares, mal définis et très approximativement localisés car il s’agissait de mentions anciennes. Pour atteindre notre objectif, nous avons d’emblée choisi trois axes d’étude ; les questionnements étaient techniques, économiques et sociaux. Cette triple approche permettait d’avoir une vision résolument interdisciplinaire. Elle nécessitait, en effet, de mettre en œuvre des méthodes diverses : opérations de terrain (prospections pédestres et fouilles archéologiques) préparées par un travail de recherche bibliographique, toponymique (repérage de microtoponymes susceptibles de révéler des sites) et de photo-interprétation (consultation des clichés aériens de l’IGN pour repérer des sites), études en laboratoire (étude macroscopique du matériel archéologique et utilisation des méthodes archéométriques (analyses chimiques, métallographie)).
Nos observations sur le terrain ont permis de démontrer que la sidérurgie antérieure à l’utilisation du haut-fourneau a livré de nombreux vestiges dans le Poitou : une quarantaine de sites d’extraction du minerai de fer et 909 ferriers sont recensés sur ce territoire et sur ses marges immédiates. Environ 250 d’entre eux sont inédits ; ils ont été découverts au cours des prospections menées au cours de cette thèse durant lesquelles ont été vérifiés de très nombreux indices toponymiques et de photo-interprétation. De plus rares sites ont été identifiés grâce aux enquêtes orales effectuées sur le terrain. Les ressources en minerai de fer disponibles dans le Poitou ont été identifiées ; seule l’exploitation du minerai en minières et en tranchées a été reconnue sur le territoire étudié, ce qui ne démontre pas pour autant l’absence des autres techniques d’exploitation. Les ferriers sont très majoritairement de petites dimensions, ce qui semble être un indice d’une activité sidérurgique plutôt modeste, attestée entre La Tène finale et le Moyen Age central. Une vingtaine de zones sidérurgiques, inégalement réparties dans l’espace, a pu être mise en évidence. Les prospections aériennes de Christian Richard avaient démontré que le sud de la Vienne était un secteur très dense en ferriers. Au terme de notre travail, cette région apparaît toujours comme la plus riche, mais d’autres secteurs très localisés des Deux-Sèvres le sont aussi, tandis qu’en Vendée, les ferriers semblent beaucoup plus rares. À l’exception de rares sites où des fragments de scories piégées semblent présents, les ferriers ont majoritairement livré des scories issues de fours à scories coulées. Si la phase de réduction du fer a livré de nombreux sites, il n’est pas possible d’en dire autant de la post-réduction ; seules 28 forges connues ou supposées sont inventoriées sur l’ensemble du territoire. Des analyses chimiques ont été réalisées afin d’aborder la question de la filiation minerai-scories.
Trois sites ont été étudiés de manière plus approfondie ; ils ont été choisis de façon à représenter l’ensemble de la période étudiée et différentes étapes de la chaîne opératoire. Le site de La Basse-Flotte à Saint-Cyr (Vienne), avec son unique fourneau de réduction directe à scories piégées laténien, constitue le premier. Notre étude a permis de démontrer que le four a connu un minimum de trois utilisations et que le rendement de la dernière utilisation avait varié. Ce four appartient donc aux très rares fourneaux à scories piégées et à utilisation multiple mis en évidence en Gaule. L’atelier de réduction médiéval de La Chagnasse à Viennay (Deux-Sèvres) est le second site étudié. L’étude des structures et les observations métallographiques menées sur les déchets collectés en fouille ont permis de souligner que la majorité des étapes de la chaîne opératoire de la métallurgie du fer étaient réalisées dans l’atelier (traitement thermique du minerai de fer, réduction du fer, épuration des masses de fer brutes issues des fourneaux de réduction). Des calculs d’évaluation de la production ont été proposés et laissent apparaître la modestie de celle-ci. Enfin, la fouille de La Petite-Ouche 2 à Rom (Deux-Sèvres), où une activité de forgeage a été reconnue, correspond au troisième site choisi. Là encore, malgré la forte érosion du site, des zones de travail métallurgique ont pu être identifiées et les analyses métallographiques ont permis de souligner que seule la forge d’élaboration était réalisée sur le site.
Dans la synthèse, notre travail a permis de définir la chronologie de l’activité sidérurgique dans le Poitou et d’identifier certaines techniques de production. Ensuite, nous avons pu replacer la métallurgie poitevine dans son contexte aux périodes romaine (à l’échelle de la Gaule) et médiévale (à l’échelle de la France). Nous avons ainsi réinterrogé l’ensemble des données disponibles, ce qui a permis de définir des zones d’intenses productions, des zones de moyenne production et des zones de petite production. Les zones de production du Poitou appartiennent aux deux dernières catégories. Après avoir abordé ces aspects techniques et économiques, nous avons traité les questions sociales, à travers l’organisation de la production et le contrôle des outils de production, en s’interrogeant notamment sur la question du rapport entre les seigneurs médiévaux et la production du fer. Notre travail a donc permis des avancées sur les problématiques techniques, économiques et sociales posées au démarrage de la thèse.

 

École doctorale

Lettres, Pensée, Arts et Histoire

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